L’anguille d'Europe ou anguille commune (Anguilla anguilla) est une espèce de poissons appartenant à la famille des Anguillidés. Elle mesure de 40 cm à 150 cm et pèse jusqu'à 4 kg pour les femelles. C'est un grand migrateur[1], et plus précisément un migrateur amphihalin (au cours de sa vie l'anguille va passer par des milieux présentant différents taux de salinité : dans ce cas, de la mer vers l'eau douce puis à nouveau vers la mer), thalassotoque (qui se reproduit en mer) et catadrome (qui, après une période de croissance dans un cours d'eau, regagne la mer). Comme pour les autres espèces d'anguilles de l'hémisphère Nord, un petit nombre d'individus effectueront en réalité la totalité de leur cycle de croissance en mer, en lagune salée ou en estuaire salé. Cette espèce est dite européenne, mais des études génétiques ont en 2006 montré que des cas d'hybridation naturelle avec l'anguille américaine existent[2], avec jusqu'à 15,41 % d'hybrides dans les populations islandaises d'anguilles[2], et des valeurs allant de 6,7 % à 100 % selon les stades de la vie et les lieux[2]. Toutes les anguilles trouvées en Europe sont considérées former une métapopulation unique[3]
Les anguilles étaient réputées particulièrement rustiques et résistantes, grâce notamment à leur capacité à retenir l'eau dans leurs branchies, mais elles sont néanmoins en forte régression depuis les années 1980 et même maintenant considérées comme espèce menacée ou en danger critique, en Europe[4].
L'anguille d'Europe était autrefois abondamment présente en eau douce dans tous les cours d'eau et les zones humides les plus diverses (lacs, étangs, marais, mares, fossés des basses plaines, etc) de presque toutes les régions de basse altitude d'Europe. Mais c'est un poisson migrateur catadrome qui se reproduit à plusieurs milliers de kilomètres de là, dans la mer des Sargasses, au centre-ouest de l’océan Atlantique, à une profondeur supposée de 400 à 700 mètres ; ainsi, ses habitats varient selon son stade de développement[5]. Une étude réalisée en 2020 émet l'hypothèse que la mer des Sargasses ne serait pas l'unique lieu de reproduction pour les anguilles européennes[6]
Depuis des siècles, les civelles (alevins d'anguille) escaladaient ou contournaient littéralement la plupart des obstacles naturels (embâcles, petits seuils et cascades...) ainsi que les barrages de moulins à eau couverts de mousse ou d'algues, mais l'augmentation de la hauteur des barrages et de leur nombre fait qu'elles sont maintenant aussi victimes de fragmentation écopaysagère (notamment dans le cas des grands barrages hydroélectriques)[7].
Ce poisson a une activité plutôt nocturne mais selon son âge, il est attiré (au stade de civelle) ou au contraire repoussé par la lumière (au stade pré-adulte et adulte). La dévalaison de l'anguille argentée se fait aussi presque entièrement de nuit. L'espèce pourrait donc être sensible à la pollution lumineuse lorsque des luminaires éclairent directement ou indirectement des berges, des ponts, des écluses ou petites chutes d'eau ou simplement la surface de l'eau. Plusieurs études ont montré que même la luminosité diurne inhibait la dévalaison de l'anguille argentée[8],[9], ce qui a été expérimentalement utilisé pour guider l'anguille loin de turbines où elles risquaient de se faire tuer ou pour tenter de prévoir les pics de dévalaison, de manière à arrêter les turbines à ces moments.
L'anguille régresse partout, probablement aussi à cause de la disparition des zones humides et de ses corridors biologiques (prairies, fossés) qui lui permettaient de gagner les mares et étangs. Peut-être est-elle aussi victime de parasites importés, et de la pollution des marais littoraux et surtout des estuaires où les taux de plomb sont localement très élevés (plomb de chasse, qui contient aussi de l'arsenic et de l'antimoine - ces plombs sont interdits dans les zones humides en France théoriquement depuis 2005 - dérogation jusqu'en 2006), mais les milliards de plombs déversés dans l'environnement y sont pour longtemps.
Certaines passes à poissons trop exposées au soleil semblent mal adaptées à la dévalaison des anguilles qui recherchent l'ombre et s'engagent dans les turbines des centrales électriques qui stressent, blessent ou tuent les gros poissons. La civelle étant attirée par la lumière et l'adulte repoussée par cette même lumière, l'éclairage a été testé pour guider ces poissons vers le « bon chemin » pour monter ou descendre un cours d'eau, mais le retour d'expérience est peu diffusé, et on ignore l'impact éventuel de cet éclairage pour d'autres espèces.
Aux environs de l'an mil, les archives attestent de donations (ou « aumône perpétuelle ») importantes et régulières d'anguilles par des seigneurs laïcs au clergé ou d'une abbaye à un prieuré : Ainsi pour ne prendre que l'exemple de la Vallée de la Somme[10],[11] le 6 octobre 1100, le Comte de Ponthieu donne aux religieux du prieuré Saint-Pierre-et-Saint-Paul d'Abbeville 2 200 anguilles à prendre annuellement sur les pêcheries exploitées dans le cours de la Somme à Abbeville[12]. Le 24 août 1137, le seigneur Gérard de Picquigny (pour la fondation de l'Abbaye du Gard), offre aux moines une rente de 800 anguilles à prendre chaque année sur le produit de l’écluse d’Hangest[13], don confirmée par l'évêque d'Amiens en 1155[14]. En 1159, les moines de l'Abbaye de Saint-Acheul (d’Amiens) se voient offrir une rente annuelle d’une centaine d’anguilles (dites en latin de l'époque « bordelles »)[15] 9 à prendre sur l’écluse (« exclusa ») de Ravine (Somme en amont d’Amiens). En 1176, le pape Alexandre III cite parmi les droits des religieuses de l'Abbaye Notre-Dame de Berteaucourt-les-Dames « deux rentes annuelles de 500 anguilles », et l'année 1177, il évoque un cens annuel de 2 milliers d’anguilles à prendre sur le revenu des eaux de l'Étoile[16].
Toutefois dans cette région, à la fin du XIIe siècle la surpêche semble commencer à affaiblir la ressource, phénomène plus net au XIVe siècle où les rentes locales annuelles d'anguilles diminuent fortement (ainsi par un document du 18 mai 1449, le seigneur d'Hangest reconnaît devoir 13 000 anguilles (d'arriéré) aux religieux de l'abbaye du Gard[17]. Deux autres document montrent qu'il devait leur donner 2000 anguilles par an[18],[19])
Au début du XXe siècle, elle a encore une grande importance économique, et inquiet de sa régression localement, on s'intéresse à sa reproduction[20].
Jusqu'au milieu du XXe siècle, l'anguille figurait en Europe parmi les espèces les plus communes. À titre d'exemple, en 1983, Boisneau estimait que dans le département d'Ille-et-Vilaine (Bretagne, France), elle était la première ressource piscicole pour ce qui est de la biomasse (et la troisième en nombre).
L'anguille autrefois si commune a encore brusquement fortement régressé dans les années 1980-90 au point d'être aujourd'hui menacée et protégée (depuis juin 2007).
Vingt ans plus tard, bien que chaque femelle soit capable de pondre un grand nombre d'œufs, la mortalité des anguilles européennes était « supérieure au seuil de renouvellement des générations »[21], ce qui condamne l'espèce sans actions pour la sauver.
En septembre 2007, le Conseil des ministres de l'Union européenne a validé un règlement européen instituant un plan de restauration de l'espèce. La Commission européenne a approuvé le plan de gestion de l’anguille en France en février 2010[22].
Le développement se fait en plusieurs stades ;
Le cycle de vie de l'anguille, son activité, ses déplacements et son comportement alimentaire sont fortement marqués par les rythmes saisonniers et nycthéméraux[35].
L'anguille adulte a une respiration particulière ; au 3/4 percutanée et pour 1/4 fournie par les branchies, qui lui permet de ramper hors de l'eau durant quelques minutes voire plusieurs heures (en environnement très humide)[39]. L'anguille peut ainsi sortir des cours d'eau pour se faufiler ou, en rampant dans l'herbe, gagner des fossés, mares ou étangs isolés.
En cas d'assèchement d'un point d'eau, les anguilles peuvent ainsi gagner d'autres milieux plus accueillants grâce à leur peau et leur mucus particulièrement résistants à la dessiccation tout en étant assez perméable pour permettre des échanges gazeux importants[40].
L'anguille jaune devient - à ce stade - territoriale et peut fortement se sédentariser. Pour des raisons non comprises, la colonisation d'une zone apparemment homogène de marais peut être (ou être devenue ?) très hétérogène[41]. Elle n'exploite alors qu'une petite zone dont la nature et la surface varient fortement selon les individus, leur taille et la richesse du milieu (il peut s'agir d'eaux douces, mais aussi saumâtre et plus rarement salées, soumise ou non à marnage, avec des gîtes estivaux (plus en profondeur quand l'individu est plus gros). 20 % des anguilles marquées et recapturées sur un cours d'eau de Bretagne nord l'ont été sur le lieu initial de leur marquage durant 8 années de suivi[42], et en Espagne on a observé une recolonisation très lente par l'anguille jaune de sites dépeuplés[43] Les premières expériences de captures-recapture en fleuve, dans les années 1960 avaient fait estimer qu'une anguille pouvait exploiter 40 km de fleuve[44]. Les moyens plus modernes de télémétrie ont réduit cette hypothèse à quelques milliers de mètres carrés en lac ou en rivière ; Par exemple, le territoire d'une anguille était de 1 300 m2 à 2 700 m2 dans un petit lac espagnol[45], et seulement de 100 à 150 m2 chez une anguille suivie durant 2 ans par pit-tag[46]) dans un petit cours d'eau espagnol. En 2001, Baisez estimait qu'en moyenne une anguille jaune adulte occupait dans un marais ouest-atlantique français un territoire moyen d'environ 300 m de berge et 1 000 m2 (un peu plus pour les gros individus)[37].
Le comportement migratoire des larves reste assez mystérieux. Celui des civelles est mieux connu, mais est soumis à de nombreux facteurs qui interagissent de manière complexe[47].
Parmi ces facteurs, les spécialistes ont listé, outre le débit et le coefficient de marée :
Comme on peut s’y attendre chez un animal à sang froid, la température influe beaucoup sur son métabolisme et donc sa vitesse de migration ou son temps d’acclimatation à l’eau douce. En effet, la température des estuaires approche souvent 0 °C au moment de l’arrivée des civelles (même dans le sud de la France, après la fonte des neiges. On a déjà mesuré 2 °C dans l’estuaire de l’Adour) :
Ce stade est souvent mesuré par le niveau de pigmentation de la civelle[53],[54],[55]. Celle-ci remonte plus activement lorsqu'elle est plus pigmentée (Cicotti, 1993) alors qu'elle s'adapte peu à peu à l'eau douce.
Le sens de l'orientation de l'Anguille reste en partie incompris. On s'est intéressé aux matériaux magnétiques ou susceptibles aux champs magnétiques présents dans l'organisme de l'anguille[59]. On en a trouvé, qui diffèrent de ceux trouvés chez l'abeille ou d'autres espèces observées de ce point de vue, mais leur rôle éventuel est encore à éclaircir[60].
De la fin des années 1980 aux années 2010, un déclin important et mondial est constaté[61],[62] et inquiète les spécialistes du monde entier[63]
Les explications de cette régression semblent à la fois marine et terrestre[64], multifactorielle[65],[66] et synergique[62], impliquant divers contaminants toxiques (divers organochlorés et pesticides bioaccumulés par l'anguille), la surpêche des civelles et peut-être des adultes, le braconnage, les obstacles sur la route des alevins[67] et plus récemment une augmentation du taux de parasitisme dont par Anguillicola crassus qui peut perturber la migration marine des adultes semblent aussi avoir une part importante de responsabilité.
La régression rapide de l'anguille est très probablement multifactorielle :
L'anguille se nourrit volontiers dans les vases qui ont accumulé de nombreux polluants. Les adultes bioaccumulent ainsi du plomb et d'autres métaux lourds, des organochlorés (PCB, dioxines, furanes, organofluorés, pesticides, etc.).
On ignore quel est l'impact exact de l'exposition chronique à tous ces polluants et à leurs cocktails pour le taux de reproduction des anguilles, mais certains supposent qu'il n'est pas négligeable. Les anguilles peuvent de plus encore être victimes de pollutions accidentelles ou chroniques (déchets immergés, munitions immergées) sur leur trajet de migration.
Un nématode parasite de la vessie natatoire (Anguillicola crassus) s’est répandu en Europe "à partir de cargaisons d’anguilles japonaises importées d’Asie en 1982 pour des installations aquacoles allemandes"[85]. Ce parasite est maintenant présent dans toute l'Europe et s'est ensuite introduit au Canada et aux États-Unis (voir cycle de reproduction dans la mer des Sargasses). Cet exemple illustre les troubles graves et les difficultés de la gestion des espaces aquacoles privés et publics en Europe.
L'exposition des anguilles à de nombreux polluants est un facteur aggravant, probablement parce qu'elles sont alors immumnitairement affaiblies, ces dernières sont de plus en plus souvent porteuses d’Anguilicola crassus en forte extension depuis 1988 en France, qui semble affecter la capacité reproductrice de l'adulte[86].
La pollution est un stress qui affaiblit la résistance immunitaire de l’anguille[87].
La civelle achetée très cher continue de faire l'objet d'une surpêche menaçant l'espèce dans la plupart des grands bassins versants. L'anguille adulte (dite « jaune » puis « argentée ») est également recherchée (et parfois braconnée) dans les canaux, cours d'eau et marais.
Ce poisson (civelle en particulier 2900 alevins/kg) est localement victime d'une surpêche, souvent aggravée par une économie parallèle alimentée par le braconnage que les autorités locales et nationales n'ont pas su maîtriser.
Depuis les années 1980, l'anguille européenne a encore accru sa vitesse de régression, au point que ce poisson autrefois réputé exceptionnellement résistant est devenu rare ou absent de nombreux cours d'eau, voire de la totalité de petits bassins versants où les civelles remontaient par centaines de milliers ou millions il y a quelques décennies seulement. Souvent la surpêche et le braconnage de la civelle semblent être la seule explication plausible.
Un réseau international de trafic de civelles vaste et sophistiqué a ainsi été démantelé en juin 2021, après que des saisies opérées en 2017 à Arcachon et à Roissy ait permis aux douanes de remonter vers les mêmes trafiquants. Le trafic a pu porter en quelques années sur 46 tonnes de civelles braconnées et exportées illégalement vers des pays d'Asie et rapporter 18,5 millions d'euros.[90]
La Commission européenne a été invitée à initier des travaux de recherche sur la santé de l'anguille et les répercussions de facteurs extérieurs tels que les taux de PCB et les épizooties sur une migration réussie[91], la première explication crédible basée sur de la science à la disparition observée de 99 % du stock de civelles. Cette régression est d'ailleurs associée à la stérilisation de bien des lieux que l'on savait pollués, mais non officiellement :
Si les adultes en phase de reproduction ont une concentration en PCB égale à la moitié de la LMR (limite maximale de résidus) permettant la commercialisation à destination humaine, les produits issus de la reproduction vont mourir et donc ne plus atteindre les estuaires.
Un produit, classé désormais comme polluant, peut causer la disparition d'une espèce au niveau d'un continent. En effet, même si tous les fleuves ne sont pas dans le même état, au regard de cette contamination, le cycle de vie en eaux de mer de cette espèce, nécessite une population et une diversité génétique minimum. Cette espèce est considérée comme en dessous de la limite de sécurité de l'espèce depuis 1992.
Ceci devrait induire outre une évolution des règles fixant les droits d'appropriation, une mise à niveau des pratiques des professionnels de la pêche en eau douce[92],[93].
Avant 2007, l'anguille n'a été que très tardivement protégée par la loi et uniquement dans quelques pays, en dépit des alertes réitérées de certains scientifiques. Elle ne figurait pas dans la directive Habitats en Europe, alors que son habitat ne cessait de se dégrader et qu'y apparaissait de nouveaux polluants. Plusieurs études ont confirmé sa régression rapide et apporté des informations sur certaines causes de mortalité ou de mauvaise reproduction (parasitisme, intoxications chimiques). Elles ont justifié un projet européen de restauration des populations, en diminuant de 50 % la pêche et en réhabilitant ses habitats et corridors de migration, avec l'objectif de reconstituer 40 % des populations existant il y a 50 ans.
Depuis 2008 l'inscription à l'Annexe II de la CITES devrait renforcer l'encadrement de son commerce légal, car les préfets doivent désormais « transmettre sans délai les informations sollicitées concernant le braconnage et le commerce illicite de la civelle et de l'anguille à ses autres stades biologiques, ainsi que cela est prévu par la circulaire du 4 avril 2006 sur ce sujet ». Par ailleurs, « les DDAM et les DDEA, en relation avec les services de l'ONEMA pour ces dernières, doivent porter une attention toute particulière au suivi des obligations déclaratives concernant l'anguille. Les services chargés de cette mission doivent traiter et transmettre les données relatives aux captures de civelles, d'anguilles jaunes et d'anguille argentées, de la manière la plus rigoureuse qui soit. Le respect de ces procédures est indispensable car, si les conditions imposées dans la carde de la CITES ne sont pas respectées, aucune exportation de cette espèce en dehors de l'Union européenne ne sera autorisée. Les DRAM et les DIREN secrétaires de COGEPOMI devront superviser le suivi des obligations déclaratives ». Une liste de pêcheurs professionnels potentiellement autorisés à pêcher l'anguille est établie[94].
Ce n'est qu'en 2007, que l'anguille a été classée menacée et protégée dans l'Union européenne alors qu'elle a presque disparu de certains estuaires et cours d'eau où elle était commune il y a seulement 30 ans. Or, c'est un poisson qui ne se reproduit qu'en moyenne après 10 ans. Les premiers résultats positifs nécessitent donc de la patience.
Un règlement européen (R(CE) no 1100/2007[95]) impose depuis des mesures de connaissance, de protection et gestion restauratoire de l'anguille (chaque pays doit mettre en place un plan de gestion visant à reconstituer la biomasse en géniteurs en agissant sur toutes les causes de régression de l’espèce) ; ce règlement est immédiatement et directement applicable dans tous les États membres sans qu'ils aient à le traduire dans leur droit national.
Ce règlement européen invite notamment les États à ;
L'exportation des civelles hors de l'Union européenne est par ailleurs interdite depuis 2010[90].
La France n'est pas épargnée par le déclin de l'anguille[99]. L’espèce est en 2019 en danger critique d’extinction[100]. En 2008-2009, les PLAGEPOMI, les COGEPOMI, les SDAGE et SAGEs doivent intégrer cette priorité, et les autorités - sous l'égide de l'ONEMA - doivent veiller à l'application du règlement (sous peine de sanctions financières importantes à payer à l'Europe). La France a rédigé son « plan de gestion » en 2008[101], qui vise ;« afin d’assurer, conformément au règlement européen, « un taux d’échappement vers la mer d’au moins 40 % de la biomasse d’anguilles argentées » (article 2.4), il serait nécessaire de réduire de 50 % la mortalité par pêche et de 75 % toutes les autres sources de mortalités anthropiques pour avoir une chance de reconstituer le stock »
Le volet national a été écrit par un secrétariat technique national (MAP + MEEDDAT + ONEMA) s'appuyant sur des groupes de travail (règlementation, Monitoring, Ouvrages, Repeuplement, Pêcherie & Contrôle, traçabilité) et les volets "régionaux" (par grands bassin-versant) ont été rédigés sous l'égide des DIREN en tant que secrétaires des COGEPOMI, avec la collaboration des Directions Régionales des Affaires Maritimes (DRAM), délégations inter-régionales de l’ONEMA, Agences de l’eau, et COGEPOMI. Une consultation à deux niveaux a eu lieu avant qu'une première version soit envoyée à Bruxelles (le 17 décembre 2008). Un comité national représentatif des acteurs intervenant dans le cadre de la gestion de l’anguille, et à un niveau local, les comités de bassin et leurs commissions. La France a annoncé en 2008 envisager que certaines mesures seront définies et différentiellement appliquées sur les sept bassins (ou districts) hydrographiques définis dans le cadre de la DCE, mais la gestion se fera à l'échelle des huit bassins des COGEPOMIs. Sur la façade méditerranéenne, la pêche de la civelle est maintenant interdite (elle n'était pas antérieurement officiellement pratiquée ou autorisée). Pour les anguilles jaunes et argentées en lagunes, la réglementation des engins et des dates sera privilégiée. La pêche récréative ciblée surtout avec engins sera réduite. La pêche à la civelle et l’utilisation d'’anguille en guise d'appât seront interdites ; et fin 2008, une saison de fermeture de la pêche de l’anguille était en discussion.
Le repeuplement est cadré par un quota de capture de civelles et un monitoring des demandes et des achats/ventes des États membres via les formulaires de commande et/ou une bourse d’échange via un site Internet européen. Une carte des sites potentiels de repeuplement (zones a priori isolée ou épargnée par les polluants et causes anormales de mortalité de l'anguille) pourrait être faite en France.
Un plan de repeuplement (avec Appel à projet[102]), avec 2,5 millions d’euros maximum de subventions (à 98 % au maximum du montant prévisionnel de la dépense subventionnable engagée par le demandeur[103]), pour 2 ans[102], a été lancé le 15 décembre 2010 (pour 2 campagnes d'alevinage en 2011-2012). Deux dispositifs sont créés, gérés par la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture, à titre expérimental :
Les modalités de repeuplement ont été étudiées avec le Groupement d’Intérêt Scientifique pour les Poisson Amphihalins (GRISAM), dont les recommandations ont été annexées au premier appel à projet[104]. Le groupe recommande notamment de réduire tant que possible le traumatisme pour les civelles lors du prélèvement, et de ne prélever des civelles pour la réintroduction, que « dans des bassins versants qui auront été préalablement identifiés comme indemnes vis-à-vis du virus EVEX »[104]. Si plus de 2 % des civelles présentent des signes de maladie, le lot ne pourra pas être utilisé pour des opérations de repeuplement. Dans les autres cas, un certificat des services vétérinaires (DSV) établi dans les 48H précédant le chargement (voir article 5 et 9 du J.O no 127 du 3 juin 1997) accompagnera le lot (tracabilité). Une solide procédure de suivi est recommandée pour limiter le braconnage car, « le risque de détournement de civelles destinées au repeuplement à des fins commerciales pour alimenter le marché international ne peut être écarté. Il convient donc d'encourager le suivi du marché européen d'anguilles (civelles en particulier) et le suivi de l'évolution du commerce international des civelles. »[104]
Un programme « recherche et développement » 2008-2009 (4 M€ pour 15 actions en 2008 et 19 en 2009) vise à disposer de techniques efficaces et financièrement acceptables d’aménagement d'ouvrages. Le « plan PCB » devrait contribuer à améliorer la qualité des cours d'eau.
La législation française fixe aussi les dates de pêche, par exemple l’arrêté du 29 septembre 2010 relatif aux dates de pêche de l'anguille européenne (Anguilla anguilla)[105].
En dépit des alertes de nombreux scientifiques et d'instances telles que le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) et la Commission européenne consultative pour les pêches dans les eaux intérieures (CECPI), des autorisations de prélèvements (payantes) étaient encore données, alors que le gestionnaire avait connaissance de faits graves ; en particulier, 60 % des anguilles de Camargue présentaient déjà en 1992, selon les auteurs d'une étude[106], des teneurs en mercure incompatibles avec la consommation humaine (dépassant les normes de l’Union européenne) et affectant la santé de l'anguille[107]. Pour le moment, les seules mesures de fermeture de pêche concernent avant tout des zones (Rhône par exemple) et non pas une espèce ciblée.
L'UE applique généralement une politique de gestion des ressources halieutiques défaillante : aucun pays de l'union n'accepte une gestion scientifique des stocks. En dépit des alertes les pêcheries restent ouvertes, avec des quotas supérieurs aux recommandations scientifiques. Cette politique dite « loi des 50 % » (on ajoute 50 % aux quotas proposés par les scientifiques) provoque un cercle vicieux : à chaque nouvelle évaluation du stock, les scientifiques, constatant la réduction de la population, demandent un quota plus sévère, que les politiques refusent d'appliquer, continuant ainsi la surexploitation. Après quelques cycles de refus de gestion scientifique les quotas deviennent extrêmement faibles voire nuls, et dans tous les cas inférieurs au quota soutenable (rendement équilibré maximal) proposé dès le départ par les scientifiques[Quoi ?]. Ce schéma s'applique à l'anguille mais aussi à la morue de Terre-Neuve, au thon rouge et in fine à la plupart des espèces exploitées en EU. En Amérique du Nord la gestion des pêcheries a été profondément réformée dans les années 1980-1990 à la suite de l'effondrement de certains stocks, le flétan d'Alaska est notamment un cas d'école: la pêcherie a frôlé la fermeture, des mesures strictes ont permis de rétablir une exploitation rentable et conforme à la dynamique de population du flétan.
Freins :
Elles sont tentées depuis longtemps[108] et semblent particulièrement difficiles. On ne connaît d'ailleurs pas les conditions qui sont éventuellement nécessaires à l'anguille durant son voyage vers la mer des Sargasses et lors de l'accouplement, la fécondation et la ponte, ni la nourriture des alevins aux différents stades de développement, mais on comprend mieux les conditions neuroendocrinologiques de sa reproduction[109],[110].
Maurice Fontaine, océanographe français, serait le premier à avoir artificiellement réussi à (par l'usage d'hormones) provoquer la maturation des mâles, puis de femelles élevées en captivité (dans les années 1960). Vingt ans plus tard, des larves vivantes ont été obtenues à la suite d'une fécondation artificielle dans le cadre d'un programme danois de recherche, mais qui n'ont pas survécu plus de 2 jours et demi. En 2006, Jonna Tomkiewicz[111],[112] a réussi à faire vivre d'autres larves plus longtemps (5 jours en 2006, durée portée à 12 jours en 2007). À ce stade de 12 jours, les larves qui ont vidé leur sac vitellin sont réputées pouvoir se nourrir seules, mais on ignore encore de quoi. Les expériences d'aquaculture de l'anguille japonaise ont montré que le nourrissage des alevins était en captivité très délicat.
Ces anguilles étaient très appréciées dans la gastronomie, notamment fumées, mais diverses études montrent qu'elles sont souvent très contaminées par les PCB et d'autres polluants. Leur consommation n'est pas interdite, mais plusieurs pays ont recommandé aux femmes enceintes et enfants de ne plus en manger (Allemagne ; Luxembourg ; France).
Parce que s'alimentant volontiers au niveau du sédiment étant riche en graisses, et étant susceptible de vivre longtemps, dans une eau polluée, l’anguille est considérée comme faisant partie des poissons les plus bioaccumulateurs de composés organochlorés et de polluants aquatiques solubles dans les graisses.
En raison de sa propension à bioconcentrer les métaux lourds, certains métalloïdes ou des polluants peu biodégradables tels que les PCB, furanes ou dioxines, l'anguille peut dans certains milieux aquatiques pollués être durablement ou provisoirement interdite de pêche, de détention et de toute commercialisation, dont en France[113].
L’anguille d'Europe ou anguille commune (Anguilla anguilla) est une espèce de poissons appartenant à la famille des Anguillidés. Elle mesure de 40 cm à 150 cm et pèse jusqu'à 4 kg pour les femelles. C'est un grand migrateur, et plus précisément un migrateur amphihalin (au cours de sa vie l'anguille va passer par des milieux présentant différents taux de salinité : dans ce cas, de la mer vers l'eau douce puis à nouveau vers la mer), thalassotoque (qui se reproduit en mer) et catadrome (qui, après une période de croissance dans un cours d'eau, regagne la mer). Comme pour les autres espèces d'anguilles de l'hémisphère Nord, un petit nombre d'individus effectueront en réalité la totalité de leur cycle de croissance en mer, en lagune salée ou en estuaire salé. Cette espèce est dite européenne, mais des études génétiques ont en 2006 montré que des cas d'hybridation naturelle avec l'anguille américaine existent, avec jusqu'à 15,41 % d'hybrides dans les populations islandaises d'anguilles, et des valeurs allant de 6,7 % à 100 % selon les stades de la vie et les lieux. Toutes les anguilles trouvées en Europe sont considérées former une métapopulation unique
Les anguilles étaient réputées particulièrement rustiques et résistantes, grâce notamment à leur capacité à retenir l'eau dans leurs branchies, mais elles sont néanmoins en forte régression depuis les années 1980 et même maintenant considérées comme espèce menacée ou en danger critique, en Europe.